
« Lutte contre l'antisémitisme » à l'université : l'Assemblée adopte une loi au service de la répression
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La proposition de loi adoptée par le Sénat le 20 février a été adoptée par l’Assemblée nationale, par 131 voix pour et 31 contre. Si l’Assemblée entérine l’essentiel des atteintes à la
liberté d’expression votées par le Sénat, les modifications apportées au texte ont pleinement confirmé l’objectif implicite de cette proposition de loi : réprimer toutes formes de soutien à
la cause palestinienne.
En effet, plusieurs amendements adoptés, portés par un groupe de députés Ensemble pour la République, ont considérablement clarifié les objectifs du texte. Les modifications ont notamment
été menées par Caroline Yadan, députée Renaissance et connue pour son soutien inconditionnel à Israël. Les amendements ciblent notamment les « formes renouvelées » de l’antisémitisme. Pour
permettre de saisir ce concept ambigu, le texte renvoie désormais à la définition de l’antisémitisme fournie par l’Alliance Internationale pour la mémoire de l’Holocauste. Or, cette
organisation intergouvernementale range dans la catégorie d’« actes antisémites » les attaques contre l’État d’Israël et par conséquent, toutes les critiques envers le gouvernement de
Benjamin Netanyahou.
Dans le même temps, l’Assemblée approuve la mise en place de modules de formation pour les étudiants contre « l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, la violence et la haine »,
obligatoire pour les élus étudiants. Une instrumentalisation de la lutte contre le racisme aux objectifs assumés dans l’exposé des motifs, évoquant la lutte pour que « les conseils
d’administration et conseils académiques –, [ne soient pas] instrumentalisés pour relayer des prises de position de haine, de rejet et d’essentialisation des Juifs » et ce « afin de
garantir que les membres de ces organes de représentation étudiante comprennent et respectent nos valeurs républicaines ». Une référence claire aux prises de position dans les conseils
centraux ayant pour but de dénoncer les partenariats avec les universités israéliennes ou les entreprises complices du génocide à Gaza.
Mais le texte n’encourage pas seulement à étouffer les voix étudiantes critiques envers le positionnement de leurs universités par ces prétendues formations. Alors que les universités ont
multiplié les procédures disciplinaires contre les mobilisations de soutien à la Palestine, l’essentiel du texte cherche à renforcer la possibilité de sanctionner les étudiants s’étant
mobilisés.
L’Assemblée nationale appuie ainsi la mise en place d’une mission « égalité et diversité » et d’un référent en charge de la lutte contre l’antisémitisme et le racisme. Si le rôle de cette
instance est présenté comme préventif, celle-ci aura en réalité pour mission de signaler « des actes d’antisémitisme », comprenant, selon la nouvelle définition adoptée, les critiques de
l’État d’Israël. Surtout, l’Assemblée intensifie encore d’un cran l’ampleur de la répression, puisque les membres du personnel seront désormais contraints de signaler ces faits, y compris
s’ils ont lieu en dehors de l’établissement. Les rapporteurs du texte précisent ainsi dans un amendement que cela « inclut aussi les réseaux sociaux ».
C’est donc une véritable mission de contrôle de l’activité politique des étudiants que met en œuvre ce texte, à l’instar des pratiques en place à Sciences Po, où le directeur de la vie
étudiante traque les étudiants sur les réseaux sociaux.
Le texte déploie donc des outils de surveillance, mais également de sanction, face aux étudiants mobilisés. C’est sur cette partie du texte que les socialistes et les écologistes ont cherché
à faire adopter des amendements pour justifier leur soutien à la proposition de loi. En effet, le texte initial prévoyait la possibilité de saisir, non pas les commissions disciplinaires,
mais une commission nommée par le rectorat. Selon Caroline Yadan, cet article permettra d’« éviter que des citadelles idéologiques que sont devenues certaines universités soient juges et
partie ».
Face à cette mesure, les socialistes ont cherché à afficher un prétendu soutien à l’autonomie des universités. Si ces derniers ont obtenu que cette commission ne puisse être saisie que par
le président ou directeur d’établissement, ils ne se sont opposés d’aucune manière à la mise en place de ces commissions pourtant bel et bien externes à l’université.
Les écologistes ont pour leur part, fait supprimer la possibilité de poursuivre les étudiants qui auraient nui « au bon déroulement des activités qui y sont organisées » sans pour autant
remettre en cause la possibilité de sanction des étudiants ayant porté atteinte « au bon fonctionnement de l’établissement ». Sacrée nuance…
Défendu par des députés des groupes parlementaires Renaissance et Horizons, le texte a ainsi été adopté avec une large majorité. Si le Parti communiste avait initialement voté la loi, les
amendements ont finalement eu raison de son soutien, bien que seuls trois de ses députés aient jugé opportun de se déplacer pour voter contre, à l’instar du groupe insoumis. Parmi les 131
voix favorables à la proposition de loi se trouvent également le groupe Rassemblement National. Le soutien affiché de l’extrême-droite pour ce texte n’est qu’une preuve supplémentaire de
l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme afin de mettre en place une offensive contre toute expression de solidarité envers la cause palestinienne.
Face à cette proposition de loi, qui va désormais être examinée de nouveau par le Sénat, il faudra faire front contre cette loi et toutes les tentatives d’intimidation du mouvement de
solidarité avec la Palestine à l’université et ailleurs.