
COP27 : les cinq chiffres à retenir
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Depuis deux semaines, les dirigeants des pays riches annoncent les financements qu’ils sont prêts à engager pour lutter contre le changement climatique. Quelques nouveautés et beaucoup de
recyclage : Reporterre fait le point.
Un, deux, huit, vingt milliards de dollars : les montants sont impressionnants. Mais, à y regarder de plus près, certaines annonces faites pendant la COP27 relèvent de la communication : des
fonds sont simplement redirigés tandis que d’autres sont octroyés sous forme de garanties financières. Sans oublier des objectifs acquis de longue date aujourd’hui remis en cause ou encore
la présence de très nombreux lobbyistes de l’industrie fossile. Tout cela a brouillé le contenu des discussions de la COP27, qui s’achève samedi 19 novembre à Charm-el-Cheikh. Reporterre
fait le point en cinq chiffres clés.
Fin octobre, plus de 1 000 scientifiques avaient jeté un pavé dans la mare : est-il réaliste de maintenir l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C alors que celui-ci sera
dépassé dans moins de 10 ans ? Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, n’était guère plus optimiste en ouverture de la COP27, estimant que cet objectif était désormais «
en réanimation ». Il s’agit pourtant d’un engagement majeur de l’Accord de Paris : « Limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2 °C, de préférence à 1,5 °C, par
rapport à l’ère préindustrielle ». Mais depuis, la température ne cesse de grimper (+1,1 °C aujourd’hui) et les efforts des États restent insuffisants pour la contenir, à tel point que son
inscription dans l’accord final à Charm-El-Cheikh est débattue.
Des pays émergents, tels que l’Inde ou la Chine, ou les pays arabes semblent réticents à l’y intégrer. Mais ce serait un retour en arrière, que dénoncent les pays les plus vulnérables,
notamment la coalition des petites îles (Aosis) dont certaines pourraient disparaître à cause de la montée des eaux. Le Giec est lui aussi très clair : « Les impacts du réchauffement seront
bien plus faibles à + 1,5 °C qu’à + 2 °C. ». En tout cas, le G20, réuni à Bali en même temps que de la COP, a réaffirmé son ambition de poursuivre les efforts pour limiter la hausse de la
température mondiale à 1,5 °C, en accélérant la sortie progression du charbon.
Enjeu majeur de cette « COP africaine », la question du financement des conséquences irréversibles du changement climatique a cristallisé les tensions. Le vice-ministre de l’environnement
hondurien, Malcom Stufkens, a estimé que cette question conditionnerait la réussite ou non du sommet. Si une dizaine de pays (dont la France, l’Écosse, la Belgique, l’Allemagne, l’Irlande,
l’Autriche, le Canada…) se sont engagés à verser 300 millions de dollars pour dédommager les pays vulnérables, le ministre a estimé qu’« il y a un problème d’échelle. Nos besoins en termes
de pertes et dommages devraient atteindre 580 milliards de dollars par an d’ici 2030 et 1 700 milliards de dollars d’ici 2050. » Les engagements pour 300 millions paraissent d’autant plus
dérisoires qu’à l’exception de la France et de l’Autriche, il ne s’agit pas de nouveaux financements mais d’une redirection de fonds déjà prévus. « Les gouvernements se contentent de
déshabiller Pierre pour habiller Paul », a dénoncé Fanny Petitbon, responsable plaidoyer de Care France.
Autre point de tension : le mécanisme financier pour débloquer les fonds nécessaires. Réticente jusque-là, l’Union européenne s’est finalement rangée en faveur de la création d’un fond dédié
aux pertes et dommages, à l’instar de 150 pays. D’autres solutions sont également sur la table : le G7 et le groupe d’États vulnérables V20 ont annoncé le lancement d’un « bouclier global
», un système assurantiel d’un budget de 210 millions d’euros. Un système d’assurance « qui n’est pas le plus adapté pour répondre aux besoins des plus vulnérables », selon Fanny Petitbon.
Dernière possibilité : une réforme des institutions financières (notamment du FMI et des banques multilatérales de développement) pour leur permettre de débloquer davantage de fonds.
Il y a un an, le Pacte de Glasgow prévoyait que les pays doublent leur financement pour l’adaptation. C’était une attente forte de cette COP mais le sujet n’aura même pas passé le cap de la
mise à l’agenda. Pourtant, doter l’ensemble des pays vulnérables d’un système d’alerte précoce ne coûterait “que” 3,1 milliards de dollars dans les cinq prochaines années, a montré un
rapport de l’ONU. « Les habitants d’Afrique, d’Asie du Sud, d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale et les habitants des petits États insulaires sont quinze fois plus susceptibles de mourir
de catastrophes climatiques. Ces catastrophes déplacent trois fois plus de personnes que la guerre. Et la situation empire », a expliqué Antonio Guterres. La moitié des pays ne disposent
pas de systèmes d’alerte précoce et encore moins d’un cadre réglementaire reliant les alertes précoces aux plans d’urgence. L’Union européenne a annoncé participer au projet à hauteur d’un
milliard de dollars.
L’Organisation mondiale météorologique (OMM) estime qu’il faudra 50 milliards pour financer l’adaptation. « Il n’y a pas de temps à perdre. Le nombre de catastrophes répertoriées a
quintuplé. […] Cette tendance devrait se poursuivre », prévient l’organisation.
En marge des négociations, de nouveaux types de partenariats se nouent. Après l’Afrique du Sud, le G20 et l’Indonésie ont signé un Jet-P (Just energy transition partnership, partenariat pour
une juste transition énergétique). Les pays riches se sont engagés à aider ces deux nations à sortir du charbon. 20 et 8,5 milliards de dollars seront respectivement employés pour fermer
les centrales à charbon, développer les énergies renouvelables et aider à la transition des travailleurs. Mais sur les 8,5 milliards promis à l’Afrique du Sud, seuls 3 % le seraient sous
forme de dons, a dénoncé le site Climat home news. Pour Martha Torres Cunfaus, ces nouveaux partenariats sont encourageants mais révélateurs de l’inadaptation des modèles d’aide actuels.
Les lobbyistes du secteur des énergies fossiles étaient plus nombreux que les délégations des dix pays les plus touchés par le réchauffement climatique. Et « ils ont bien travaillé », a
ironisé Nicolas Haeringer, de l’association 350.org, à quelques jours de la conclusion de l’accord final. Si l’Inde a poussé pour inscrire dans le texte final l’ambition de sortir de toutes
les énergies fossiles, suivi par l’Union européenne, les États-Unis, Tuvalu, Vanuatu et l’AOSIS, la Nouvelle-Zélande et la Colombie, la mention a été éludée par le président égyptien dès la
première mouture de l’accord final.
En outre, le Climate Action Network a dénoncé le fait que « les pays du G20 et les principales banques de développement fournissent 55 milliards chaque année de financements publics pour les
énergies fossiles contre 29 milliards pour les énergies renouvelables. Ça n’est vraiment pas cohérent avec les objectifs climatiques. » Lors de la COP27, 39 pays et institutions s’étaient
engagés à arrêter les financements publics fossiles à l’international d’ici à la fin de 2022. « Il ne reste qu’un peu plus d’un mois avant la fin de l’année et seulement six pays ont
respecté cet engagement, dont la France, la Finlande, la Suède, le Danemark, le Royaume-Uni et la Banque européenne d’investissement. »
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