« je n'avais plus du tout envie de jouer » : où est passé sean cuenin, demi-finaliste juniors de roland-garros avec van assche, fils et mpetshi perricard?
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PROMIS À UN AVENIR RADIEUX, DANS LE FAMEUX CARRÉ BLEU DE ROLAND-GARROS JUNIORS 2021 AVEC LUCA VAN ASSCHE, ARTHUR FILS ET GIOVANNI MPETSHI PERRICARD, SEAN CUENIN, EN DÉTRESSE, A QUITTÉ LA
FFT, ARRÊTÉ LE TENNIS ET DISPARU DES RADARS. IL TENTE À 21 ANS DE REPRENDRE LE FIL DE SA CARRIÈRE. Même de loin, le long de la D111, les cris et le bruit des frappes ressemblent à ceux de
bons joueurs de tennis. Devant, des retraités s'éclatent, courent et renvoient la balle comme ils peuvent. Derrière, sur un court séparé de l'autre par une bâche lâche, Sean Cuenin
et Mehdi Sadaoui s'entraînent. Le soleil donne, le T-shirt rose de Cuenin est moins rose. On n'est pas à Roland-Garros mais au Tennis club de Saint-Maur (Val-de-Marne). Et
pourtant. _« Imagine, je fais le même point sur le Suzanne__-Lenglen ? »_ lance Cuenin à Sadaoui après une amortie. Sourires. Cuenin en est loin. Il avait sollicité, en vain, une wild-card
pour les qualifications du Grand Chelem. Ce vendredi de première semaine de Roland-Garros, il émarge au 718e rang (il est 634e depuis), vient de glaner un titre sur un Future (15 000 $), à
Kursumlijska Banja, en Serbie. Sa réalité. Mais pas celle qu'il avait imaginée il y a neuf ans lorsqu'il a quitté ses parents, sa soeur et sa ville de La Garde, dans la banlieue de
Toulon, pour Poitiers. Le pôle France, là où les rêves se créent. « Le bruit de sa balle était exceptionnel, il avait un pétard en coup droit » Patrick Labazuy, qui a entraîné Sean Cuenin À
ce moment, Cuenin est le meilleur de sa génération, les 2004, Arthur Fils, Luca Van Assche... Il est doué et on lui dit. _« Le bruit de sa balle était exceptionnel, il avait un pétard en
coup droit ! »_ se souvient Patrick Labazuy qui l'a entraîné plusieurs fois. Le gamin est sanguin, _« ne se contrôlait pas »,_ selon Labazuy. Il devient champion d'Europe U14 en
2018 et monte à Paris, direction le Centre national d'entraînement. Après lui, le plus jeune s'appelle Harold Mayot, né en 2002. Deux ans d'écart, un gouffre. _« Il est arrivé
trop tôt à Poitiers et trop tôt au CNE,_ confie Éric Winogradsky. _Il a débarqué dans un univers avec des adultes et des jeunes pas de son âge. C'était brutal. »_ « J'étais trop
un gamin, je pétais des câbles, je manquais de discipline » Sean Cuenin, sur son arrivée au CNE de Paris « Wino » le connaît très bien, il l'a entraîné au CNE de 2020 à fin 2021. Le
tempétueux Varois débute bien avec l'expérimenté coach fédéral. Mais le mal-être s'installe. _« Je n'étais pas épanoui, pas heureux. C'était trop dur de s'entraîner,
_raconte Cuenin, assis sur un banc à l'ombre du TCSM, sans se défausser._ Il y a des choses que j'ai mal faites. Je n'étais pas assez mature. J'étais trop un gamin, je
pétais des câbles, je manquais de discipline, de rigueur, j'avais une mauvaise attitude, parfois je n'avais pas envie de jouer... Je n'étais pas forcément prêt à faire tous
les efforts nécessaires pour atteindre le haut niveau. »_ Sean Cuenin a été champion d'Europe des U14 en 2018. (C. Ronan/PhotoPQR/Sud Ouest/MaxPPP) _« Il était trop souvent en
souffrance dans l'univers dans lequel il évoluait. On lui demandait des efforts colossaux pour rester dans les clous. Ce cadre lui était trop exigeant »,_ estime Winogradsky, qui pense
que l'INSEP, fermé pour les joueurs de tennis en 2017, _« aurait été un sas de décompression_ (entre Poitiers et le CNE) _qui lui a manqué ». _Le coach fédéral a eu peur pour son
poulain. _« Il m'a mis les jetons... Il se mettait dans des états... » _Il pouvait s'enfermer dans sa chambre plusieurs heures, s'effondrer en larmes en plein entraînement, ne
plus maîtriser ce qu'il disait. _« Un gamin qui chiale, ce n'est jamais rassurant, surtout quand c'est amené à se répéter »,_ poursuit l'entraîneur. Cuenin forme ce
carré bleu en demi-finales de Roland-Garros juniors 2021 avec Van Assche, Fils et Giovanni Mpetshi Perricard. Il le sait, il est devenu moins fort qu'eux. Il change d'entraîneur,
rejoint Emmanuel Planque, qui coache aussi « GMP ». Six premiers mois idéaux, son premier titre pro. Il s'approche du top 500, atteint le troisième tour des qualifications à Roland.
L'heure de l'éclosion ? _« Je me dis ça y est, enfin je les rattrape. »_ Il parle de ses trois compères. _« Je les voyais monter et pas moi. J'étais content pour eux, mais ça
me foutait une pression supplémentaire. Mais ce n'est pas une excuse. »_ Juste après, le ménisque externe gauche pète en Macédoine. _« Quand je suis revenu, je n'étais plus le
même. Je n'avais plus la gnaque. Lors d'une tournée en Amérique du sud _(en octobre 2022)_, je perds au premier tour du premier tournoi, je suis allé voir Manu_ (Planque) _en
pleurs pour lui dire que je voulais arrêter et rentrer chez moi. »_ Le carré maître du tournoi de Roland-Garros juniors 2021 (de gauche à droite) : Giovanni Mpetshi Perricard
(demi-finaliste), Sean Cuenin (demi-finaliste), Arthur Fils (finaliste) et Luca Van Assche (vainqueur). (C. Guibbaud/FFT) BLESSURES MORALES ET PHYSIQUES, RETOUR AUX SOURCES VAROISES Cuenin,
souvent blessé (pubis, genou, poignet) et à bout mentalement, claque la porte de la FFT au printemps 2023 après une bulle encaissée en Turquie. _« J'en avais marre du CNE, de la vie
parisienne, je n'avais plus du tout envie de jouer. »_ Retour à la maison. _« Il y a beaucoup de soulagement. Pas une fois je me suis dit que c'était une erreur parce que
mentalement ça ne pouvait pas être pire »,_ se remémore le Varois, revenu se ressourcer, profiter de la famille, de la plage, des potes. Tournoi de reprise, en Serbie, en juin. L'autre
genou, le droit, pète. Le tennis, c'est fini. Il épluche les contrats sponsors avec son père. Quelques tournois lui manquent pour les honorer. En décembre, il file à Monastir (Tunisie)
mais sait qu'il va arrêter. _« Le moins cher et le plus proche. »_ S'il dit _« n'avoir jamais manqué de rien »_, sa famille ne roule pas sur l'or. Le père était
boulanger, la mère tenait la caisse. _« J'ai eu la chance d'être à la Fédé dès le plus jeune âge, si on avait dû tout payer, ça aurait été compliqué. »_ « Muscu pour prendre un peu
des pecs. Je jouais à la play et j'allais courir de temps en temps » Sean Cuenin, après avoir posé les raquettes Retour au bercail, pour de bon. Les raquettes sont rangées. Dans le
Var, il ne fait pas grand-chose. _« J'allais à la salle mais je ne faisais pas du physique, mais de la muscu pour prendre un peu des pecs. Je jouais à la play et j'allais courir de
temps en temps. » _Ça finit par le gonfler. Il n'a pas 20 ans, n'a ni le brevet ni le bac, un regret aujourd'hui. Alors en mars 2024, celui qui n'est plus vraiment un
joueur de tennis débarque en touriste sur un tournoi français à Dijon. _« J'avais absolument besoin de thunes. Et je venais de m'acheter une voiture. »_ Défaite précoce. Cuenin se
retrouve à jouer des matches par équipes en Allemagne et en Italie pour gagner de l'argent. _« Je n'ai pas joué des légendes. » _Mais il gagne. Et l'envie revient. Tout comme
une discussion avec son père. _« Ce qui n'était pas facile à gérer, c'est que je sais que j'ai un très gros potentiel et que je pouvais faire carrière, c'était dommage.
J'aurais préféré être un mec lambda qui joue bien mais qui est très limité pour atteindre le haut niveau. »_ Dans le Var, le printemps annonce des tournois français. Il s'y remet.
Six titres. Il est de retour, repart de zéro, en qualifications de 15 000 $. _« La jungle du tennis ! Mais je savais qu'il fallait passer par là. Mentalement, j'étais conditionné.
»_ RENAISSANCE DANS LE COCON ET RETROUVAILLES AVEC UN ENTRAÎNEUR DU CRU Au détour d'une discussion à Monastir, Cuenin renoue avec Bastien Lobbrecht, un entraîneur qui a été son
animateur de centre aéré dans le Var. Ils sont du même coin, ont cette même corde sensible, ça connecte. Surtout, le jeune homme, que tout le monde décrit comme _« sensible et attachant »_,
est à la maison. _« Ça change tout. Je suis parti de chez moi à 12 ans, _exprime-t-il, ému. _Tu t'entraînes, tu rentres chez toi, ta mère te fait à bouffer, tu ne paies pas de loyer, le
lit est fait, t'es proche de la famille, des amis... C'est incroyable. »_ Sean Cuenin lors des Championnats de France de Pro B à Arras, en novembre 2024. (M. Botte/PhotoPQR/Voix
du Nord/MaxPPP) Cuenin l'assure, il est complètement différent. Il a fait le deuil de sa comparaison avec les Fils, Van Assche, Mpetshi Perricard. _« C'est mon chemin, mon projet.
Je suis beaucoup plus mature, plus équilibré, je fais moins les choses pour les autres. J'avais peur de décevoir ma famille, mes coaches »,_ raconte le jeune joueur, resté très nerveux.
_« M'énerver, casser une raquette de temps en temps, je sais que ça ne peut pas me faire de mal. Mais j'essaie de moins le faire parce que je n'ai plus de raquettes en
illimité, plus que trois »,_ se marre-t-il en regardant son sac. « Il me motive grave, j'essaie d'être comme lui ! » Sean Cuenin, à propos de son pote Arthur Fils Cuenin est
prudent, il vise le top 500 en fin d'année et les qualifications de l'Open d'Australie 2027. À 21 ans, il rêve déjà moins grand. _« Je sais que je ne serai pas numéro 1
mondial et que je ne gagnerai pas de Grand Chelem,_ estime-t-il. _Mais dire ça est peut-être un moyen de m'enlever de la pression. »_ Sean Cuenin (deuxième en partant de la gauche) en
tribunes à côté d'Arthur Fils (au centre), lors d'un match du Paris Basketball en 2025. (instagram@parisbasketball) La veille, il était dans le box de son pote Fils, avec qui il
partage des vacances, pour le voir s'arracher face à Jaume Munar sur le Suzanne-Lenglen. _« Il me motive grave, j'essaie d'être comme lui ! Bon, quand je suis en Serbie,
qu'il n'y a que mon coach et pas un rat, c'est dur de s'encourager comme un fou mais j'essaie de me forcer à le faire parce que ça m'aide. »_ Il part ce
week-end pour une tournée au Maroc, trois 15 000 $ à Casablanca. C'est son quotidien, sa réalité, il l'a acceptée. Mais il s'est remis à rêver.