Où en est l'animation française?

Où en est l'animation française?


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État des lieux du secteur des films d’animation en France. Axel Scoffier Publié le 10 juin 2013 L’animation française est un secteur paradoxal : quelques fleurons, reconnus pour leurs


qualités artistiques et plébiscités par le public, polarisent un secteur essentiellement tenu par la télévision et ne parvenant pas vraiment à se mettre au niveau de la puissance économiques


des films américains. Un rapport du CNC publié en 2012 analyse le secteur à la loupe : 355 heures de programmes audiovisuels d’animation produits dans l’année, à un coût moyen de 593 250 €


de l’heure. L’animation représente 10 % de la production audiovisuelle française (en heures produites) > L’animation représente 10 % de la production audiovisuelle > française en 


heures produites. , mais compte pour 33 % de ses exportations ! Les films d’animation représentent 2,6 % des films français produits entre 1998 et 2008 (2,9 % en moyenne entre 2008 et 2011),


pour environ 5 % des investissements. Plus chers à produire, les films d’animation (toutes nationalités confondues) font aussi l’objet de plus de promotion publicitaire lors de leur sortie


en salle, sont montrés dans plus de salles et restent en moyenne plus longtemps à l’affiche. Ces chiffres cachent de grandes disparités : un film d’animation français réalise en moyenne 509


000 entrées (254 000 entrées en 2008), alors qu’un film américain en génère 2 millions (2,1 millions en 2008)... À la télévision, les chaînes historiques diffusent un peu moins de 4 000


heures de programmes animés (3 849 heures en 2011), soit 7,3 % en 2011 de leur grille. France 5, France 3 et TF1 sont les principaux diffuseurs, en majorité le matin ; les productions


françaises dominent (40,8 %), suivie des américaines (30,6 %) ; étrangement, les productions japonaises (comme celles de Toei Animation) sont très minoritaires (la catégorie des autres


nationalités, principalement des productions japonaises, australiennes et canadienne représente 17,8 %). Enfin, la distribution vidéo des longs métrages d’animation représente 17,4 % des


ventes totales (81,7 % du CA est effectué par les films américains – produits par exemple par Disney ou DreamWorks). _ Bande annonce de _Kirikou et les hommes et les femmes Mettons un peu de


chair sur ces chiffres : parmi les têtes d’affiche du cinéma d’animation français, on reconnait les films produits par la société les Armateurs (la série Kirikou, Les Triplettes de


Belleville, Ernest et Célestine...), les films d’Europacorp (la série Arthur et les Minimoys), de Futurikon (Chasseurs de Dragon, Minuscule), de Xilam (Kaena, Tous à L’Ouest), et quelques


créations de petits producteurs (Renaissance, Persépolis, Astérix et les Vikings...) ; en termes économiques, les films les plus chers sont ceux de la série Arthur (plus de 60 millions € par


film). Mais la série d’Europacorp est l’illustration que changer d’échelle est bien délicat. Au-delà des chiffres et des noms, il faut comprendre le secteur en fonction d’un autre


écosystème riche, celui de la bande dessinée franco-belge, et y voir l’influence croissance de deux autres écosystèmes en pleine croissance : les effets spéciaux et les jeux vidéo. UN


SECTEUR STRUCTURÉ PAR LA TÉLÉVISION ET LA BANDE DESSINÉE L’animation française, en tant que secteur comme en tant qu’art, est fermement ancrée sur deux piliers robustes : la télévision d’une


part, la bande dessinée d’autre part. Financièrement, les chaînes de télévision tirent le secteur. En 2008, France Television achetait 23,8 millions € (soit 153 heures) de programmes


d’animation à destination de la jeunesse (répartis ainsi : 1,9 million € pour France 2, 18,2 millions € pour France 3, et 3,7 millions € pour France 5), et TF1 7, 8 millions € (46 heures).


Des chaînes spécialisées fleurissent sur la TNT (Gulli, Boomerang), le câble et le satellite (Cartoon Network, Disney Channel...). Beaucoup de programmes sont importés sur les chaînes


privées, mais les chaînes publiques achètent principalement des séries françaises. Récemment, des programmes courts à destination d’un public adulte sont commandés par des chaînes


généralistes : Silex and the City, par exemple, programmée par Arte. Silex and the City, _épisode « Le feu de l'amour » _ Plusieurs acteurs se partagent le marché, parmi lesquels le


groupe Moonscoop, le groupe Media-Participations et Xilam, trois entreprises aux profils et parcours bien distincts. Ces studios ont en commun une activité d’exploitation de licences issues


du monde de la bande dessinée. Moonscoop exploite la license Titeuf. Les studios Ellipsanime Productions, Dargaud Media et Dupuis Audiovisuel, tous trois intégrés au groupe


Media-Participations, travaillent respectivement sur _Les Aventures de Tintin, Babar, Corto Maltese et Léonard (_Ellipsanime), _Boule et Bill, Valérian et Laureline_ et _Garfield & Cie


(Dargaud Media), et Spirou, _Flash Gordon, Jojo, Cédric, Papyrus et Kid Paddle (Dupuis Audiovisuel). Enfin, Xilam produit les séries Lucky Luke, Les Daltons, et Rantanplan tirées des


personnages de l’œuvre de Morris. Les trois studios n’ont cependant pas le même rapport aux licences : pour Moonscoop et Xilam, les séries ont nécessité la négociation et le rachat des


droits ; dans le cas de Media-Participation, les productions bénéficient de synergies existantes avec les éditeurs du groupe (Dargaud, Lucky Comics, Le Lombard, Dupuis...) pour lesquels les


séries constituent une forme de diversification des revenus. Au croisement des industries de la bande dessinée et de l’animation, Angoulême apparait rapidement comme un lieu incontournable.


Pour son Festival international de bande dessinée d’une part, mais aussi pour son pôle de création audiovisuel spécialisé dans les métiers de l’image animée, Magelis, qui concentre les


studios de Moonscoop, Dargaud Média, ou encore Normaal Animation (les studios à l’origine de la série Avez-vous déjà vu, diffusée sur Canal +), ainsi que plusieurs écoles d’animation. Les


studios français produisent aussi de nombreuses licences originales. Xilam a été rendu célèbre par ses fameux Zinzins de l’espace, créés en 1995, suivis d’Oggy et les Cafards (1997), Ratz


(2001), Zig et Sharko (2010) etc... Moonscoop a créé la série Code Lyoko, qui a connu un succès international, Millimage la série Lascars, par la suite adaptée au cinéma. D’autres studios


français produisent des séries animées : Gaumont Animation (ancien Alphanim) est célèbre pour sa série Franklin la torture ; Blue Spirit Animation, récemment mise à l’honneur par son remake


de la série Les Mystérieuses Cités d’or ; Marathon, filiale de Zodiak Entertainment, avec Rekkit ou Le Marsupilami ; ou encore CyberGroup Studio, avec Zou, et Nina Pedalpo... Mais le métier


change, et entre dans une escalade technologique (et financière). La plupart des studios produisent désormais des séries animées en 3 dimensions : Garfield, Le Manège Enchanté, Le Petit


Prince... _Extrait_ Le Petit Prince LE FRAGILE PASSAGE AU GRAND ÉCRAN Comment les créateurs passent-ils du petit au grand écran ? Le cinéma d’animation français est-il assis seulement sur


l’activité télévisuelle, ou trouve-t-il de nouvelles sources de financement et d’inspiration ? Un certain nombre de studios d’animation commencent donc par la série animée avant de produire


des longs métrages de cinéma. Xilam par exemple, pourtant une ancienne branche de Gaumont, ne lance une création longue originale qu’en 2001 avec Kaena, la prophétie (qui ne rencontre pas le


succès escompté), puis avec Lucky Luke, Tous à l’Ouest, et Oggy et les Cafards en 2013. Marathon Media convertit sa série Totally Spies en long métrage, tandis que Blue Spirit produit un


film original, Le Tableau. Il y a donc 3 grands types de films d’animation : adaptation d’une livre ou d’une bande dessinée ; adaptation d’une série télévisée ; création originale. Cette


dernière catégorie est sans nul doute la plus risquée, et s’appuie d’avantage sur le talent et le nom d’un créateur que sur celui de sa licence. _Reportage France 3 sur la sortie de_ Tous à


l'Ouest_ _ Quelques rares réalisateurs passent tout de suite au long métrage : Michel Ocelot, qui commence avec plusieurs cours métrage avant de rencontrer son premier succès public et


critique en 1998 avec Kirikou et la Sorcière (au terme de son exploitation en France, le film a cumulé 1,4 millions d’entrées). Ce film lui ouvre la voie à d’autres productions originales :


Princes et Princesses, Azur et Asmar, Les Contes de la Nuit, Kirikou et les Bêtes Sauvages, Kirikou et les Hommes et les Femmes... Dans un style très différent, Sylvain Chomet, venu de la


bande dessinée et du court métrage, réaliste Les Triplettes de Belleville en 2003. Ce succès lui permet en 2010 d’adapter un scénario de Jacques Tati pour le cinéma : L’Illusionniste. Des


studios émergents se fraient un chemin vers le cinéma depuis les effets spéciaux numériques : c’est le cas par exemple de Buf Company et de MacGuff. Le premier, créé en 1984, est une des


principales sociétés d’effets spéciaux en France, et travaille sur des films français (Les Visiteurs, La Cité des Enfants Perdus...) et américains (Fight Club, Matrix, Harry Potter...),


avant de produire pour EuropaCorp les effets spéciaux de la série Arthur. Le second est initialement (et principalement) tourné vers le cinéma (Dobermann, Vidocq, Le Petit Poucet,


Blueberry...), et réaliste Chasseurs de Dragons en 2008, avant d’être approché par Universal qui rachète le département animation en 2009 (devenu Illumination MacGuff). Ce nouveau studio, à


cheval entre Hollywood et la France, réalise plusieurs films en 3 dimensions : Moi, Moche et Méchant I et II, et Le Lorax. Sans doute faut-il voir dans le destin croisé de ces deux studios


une différence majeure qui explique la difficulté du cinéma d’animation français à franchir un palier : la distribution internationale (et donc américaine) permise par Universal n’est pas la


même que celle à laquelle peut prétendre EuropaCorp... Enfin, d’autres nouveaux acteurs apparaissent en marge du système, depuis le riche écosystème français du jeu vidéo. Ankama Animation


décline ainsi en série télévisées les licences du studio roubaisien Ankama (Dofus, Wakfu), et prévoit des longs métrages. Ubisoft pénètre aussi le marché avec une série tirée de sa licence


les Lapins Crétins. On imagine que la dynamique ne s’arrêtera pas là. UN SUCCÈS PORTÉ PAR UN ENVIRONNEMENT PERFORMANT Plusieurs leviers permettent à l’animation française de poursuivre sa


trajectoire ascensionnelle : un ensemble d’écoles performantes, reconnues mondialement pour leur qualité, et qui attirent de plus en plus d’étudiants (les Gobelins, Supinfocom, La Poudrière,


George Méliès...) ; un mécanisme de financement mis en place par le CNC (crédit d’impôt ouvert aux films d’animation) ; un Festival international du Film d’Animation à Annecy, créé en 1960


et dont la direction artistique est assurée par Serge Bromberg ; et enfin des politiques locales en faveur des filières d’excellence, comme à Angoulême bien sûr, ou encore à


Bourg-les-Valence (Drôme), où les studios Folimage (La Prophétie des Grenouilles, Mia et le Migou, Une Vie de Chat) occupent l’espace de la Cartoucherie, friche industrielle également


occupée par l’école La Poudrière. DONNÉES CLÉS Nombre d'heures de programmes audiovisuels d'animation produits : 355 heures en 2011 (259 heures en 2008) Coût moyen d’un programme


d’animation : 593 250 euros de l’heure en 2011 (571 700 € de l’heure en 2008) Part de l’animation dans la production audiovisuelle française : 10 % Part de l’animation dans les exportations


audiovisuelles françaises : 33 % Part de l’animation dans les films français : 2,2 % en 2009, 3,4 % en 2010 et 3,7 % en 2011 (2,6 % entre 1998 et 2008) Nombre moyen d’entrées réalisées en


France par un film d’animation français : 509 000 en 2011 (254 000 en 2008) Nombre moyen d’entrées réalisées en France par un film d’animation américain : 2 millions en 2011 (2,1 millions en


2008) Part des productions françaises à la télévision : 40,8 % (30,6 % pour les américaines) en 2011 _Sources :_ - CNC - Rapport Le marché de l'animation en 2011 - CNC - Rapport Le


marché de l'animation en 2008 -- Crédits photos : Hall du centre Bonlieu, Annecy - Festival du Film d'Animation - [nicolu] / Flickr Dessin _L'Illusionniste_ - tobor68 / Flickr