Médias dans le monde arabe : une question géopolitique ? | la revue des médias

Médias dans le monde arabe : une question géopolitique ? | la revue des médias


Play all audios:

Loading...

Est-ce pertinent d'affirmer que les médias et les chaînes satellitaires sont uniquement des instruments politiques et diplomatiques ? C'est en tout cas ce qu'avance Mamoun Fandy dans son


dernier ouvrage. Retour sur une nouvelle manière d'analyser les médias dans le monde arabe.


Novembre 1996 : la chaîne qatarie Al Jazeera est lancée. Ce qui n'est à l'époque qu'une (coûteuse) volonté du cheikh Hamad bin Khalifa Al-Thani va très vite devenir l'une des entreprises


médiatiques les plus influentes de la région. Au fil des années, les chaînes satellitaires vont prouver leur importance en termes de pouvoirs, et ce d'autant plus qu'elles touchent leur


public par delà les frontières du fait de leur caractère transnational. Les médias arabes, éminemment politiques, sont autant de facteurs de puissance, que ce soit sur le plan interne ou


régional.


La récente multiplication des chaînes satellitaires au Proche et au Moyen-Orient a prouvé l'importance qu'elles peuvent avoir pour les gouvernements. Pour des pays à faible population ou peu


présents sur la scène internationale, elles peuvent être l'occasion de se faire connaître, de se fonder une image et de la valoriser à travers le monde (Qatar) 3, tandis qu'elles permettent


à d'autres d'asseoir une puissance régionale sur la scène médiatique (Arabie Saoudite, Egypte, Iran). Pour Mamoun Fandy, toutes ces chaînes sont de proches descendantes de la radio


Nassérienne Sawt al-Arab, et poursuivent peu ou prou le même objectif 4. Mais si dans les années 1950 Sawt al-Arab était unique, ce sont aujourd'hui des dizaines de chaînes financées par


autant de pays qui souhaitent s'imposer. Une véritable bataille fait rage, reflétant ainsi, via le prisme médiatique, les conflits interétatiques. Cela est d'autant plus flagrant lorsqu'on


regarde les initiatives égyptiennes (Nile News TV) ou saoudienne (Al Arabiya, du groupe MBC), réponses claires à la dérangeante chaîne qatarie. L'Iran et la Turquie, dont l'arabe n'est pas


la langue principale, entrent même dans la compétition avec le lancement respectif d'Al-Alam (2003) et de TRT 7 (2010).


Si certains chercheurs ont vu dans Al-Jazeera le symbole d'une libéralisation du système médiatique, voire même le porte-drapeau d'une révolution de l'information, Mamoun Fandy y voit plus


simplement une volonté géostratégique mise en place par un nouvel émir soucieux de stabiliser son pouvoir sur le plan national et international. De même, il dénonce clairement l’indépendance


affichée des médias envers le politique : « Les médias arabes peuvent parfois donner l'impression d'être indépendants, mais ils sont en fait toujours contrôlés par les gouvernements,


directement ou indirectement. »