
Le fact checking à l'épreuve des fake news | la revue des médias
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Mark Zuckerberg, patron de Meta, a annoncé, mardi 7 janvier, d'importants changements dans la politique de modération de Facebook et Instagram. Parmi eux : la fin de leur programme de
vérification des informations aux États-Unis. Dans son livre Fact-checking vs fake news - Vérifier pour informer (Éditions INA, 2019), Laurent Bigot revenait sur l'origine et les modalités
de ces dispositifs. Extraits.
Mark Zuckerberg, patron de Meta, a annoncé, mardi 7 janvier, d'importants changements dans la politique de modération de Facebook et Instagram. Parmi eux : la fin des partenariats noués avec
des médias à des fins de fact-checking. La mesure ne concerne, pour le moment, que les États-Unis. Dans son livre Fact-checking vs fake news - Vérifier pour informer (Éditions INA), Laurent
Bigot revenait sur l'origine et les modalités de ces dispositifs. Extraits.
« You are fake news ! » Les mots de Donald Trump à l’encontre de CNN et de Jim Acosta, son correspondant en chef à la Maison-Blanche, ont été prononcés le 11 janvier 2017, lors de sa
première conférence de presse en tant que nouveau président des États-Unis. Mais ils continuent de résonner, tant dans le grand public que dans le champ professionnel journalistique. Pas
seulement parce qu’ils ont souvent été repris. Mais plus certainement parce que leur violence, la manière décomplexée avec laquelle ils sont alors proférés devant le monde entier ont de quoi
estomaquer les défenseurs de la liberté de la presse : le président de la première puissance mondiale qui pointe littéralement du doigt et accuse un média – en l’occurrence la plus
puissante chaîne de télévision d’information en continu au monde – de diffuser des fausses nouvelles à son encontre, au point de l’empêcher ainsi de s’adresser à lui est une première.
Cet épisode sera en réalité le point de départ d’une stratégie de communication destinée à discréditer le travail des médias en général. De la même manière, en effet, quelques jours plus
tard, le 22 janvier 2017, la conseillère et porte-parole de Trump, Kellyane Conway, évoque, face caméra, sur CNN, des « faits alternatifs », pour défendre les propos de Sean Spicer,
directeur de la communication de la Maison Blanche, qui assure – en dépit de toutes les constatations et enquêtes contraires des médias – que jamais autant de monde n’a assisté à
l’investiture d’un président…
Rien de nouveau dans le discours des hommes politiques, disent alors parfois les analystes et les historiens. Il a été de tout temps, sans doute, dans leurs usages, de construire leur propre
réalité. N’était-ce pas ce qu’enseignaient déjà les rhéteurs de l’Antiquité ?
Mais les professionnels de l’information, eux, accusent le coup. Certains donnent même le sentiment de capituler en invoquant, à l’instar de Katharine Viner, du Guardian, en 2016, l’entrée
dans une nouvelle ère en matière d’information (ou de désinformation plus exactement) : l’ère de la « post-vérité »1. Autrement dit : à quoi bon essayer de produire des contenus
journalistiques factuels et fiables quand l’opinion publique est à l’évidence plus encline à se laisser abuser par la propagande et les discours émotionnels ou démagogiques qui lui parvient
directement via les plateformes numériques et les réseaux sociaux ? D’autres acteurs, pourtant, vont progressivement s’organiser pour lutter contre le « brouillage des repères de la vérité »
(favorisé par l’accès filtré mais direct aux informations via les infomédiaires), et la « perte d’influence » des « tiers médiateurs » que sont traditionnellement les médias.
Ces derniers sont notamment ceux qui portent les initiatives de fact-checking au sein des journaux, radios, télévisions et sites internet d’information. Littéralement : la vérification des
faits ou par les faits. Il ne s’agit pas là d’une nouveauté, mais plutôt d’une actualisation, à l’ère numérique, des savoir-faire journalistique originels en termes de vérification de
l’information et, donc, finalement de contrat de confiance entre la presse et les citoyens. La démarche peut sembler incongrue, dans la mesure où les médias se donnent précisément pour
objectif, en général, d’informer correctement leurs lecteurs, auditeurs, téléspectateurs. Mais elle ne l’est pas tant que ça, dans une période où il est toujours plus difficile de distinguer
les contenus journalistiques dans le flot ininterrompu de publications parfois mensongères ou trompeuses en tout genre qui se déverse via Internet et les réseaux sociaux.
Depuis le début des années 2000 aux États-Unis (puis progressivement ailleurs dans le monde), toujours plus d’initiatives de fact-checking voient le jour. Et tandis que ce mouvement semblait
marquer le pas, un temps, entre chaque échéance électorale présidentielle, il apparaît nettement plus pérenne et clairement renforcé depuis l’année 2016, voire étendu pour ne plus concerner
uniquement la vérification des propos des personnalités politiques tenus dans l’espace public, mais également la démystification de rumeurs véhiculées notamment sur Internet et les réseaux
sociaux, souvent appelée debunking.
En France, les médias ont commencé à créer des rubriques dédiées au fact-checking à partir de 2008. Qu’elles se nomment « Les Décodeurs » dans Le Monde, « Désintox » ou « CheckNews », dans
Libération ou sur Arte, ou encore « Le Vrai du Faux » sur Franceinfo, elles semblent certes renouer avec une règle de base des pratiques journalistique : vérifier l’information. Mais elles
n’en ont pas moins suscité et suscitent encore parfois de nombreuses critiques et interrogations.
Tout d’abord, il va de soi, pour beaucoup de journalistes professionnels, que la vérification systématique de l’information est l’un des principes constitutifs de leur métier, ainsi qu’une
règle déontologique, voire un principe éthique, qu’ils associent le plus souvent à la nécessité de « croiser les sources » de leurs informations. […] promouvoir le fact-checking, pour un
média, cela revient, pour certains professionnels à réinventer le fil à couper le beurre, voire à refaire du neuf avec du vieux.
Ensuite, mettre en avant les vertus d’objectivité et de plus grande proximité avec les faits – et uniquement les faits – du fact-checking revient à oublier un peu vite qu’il y a
nécessairement, dans toute construction journalistique et dans tout choix de son auteur, une part d’éditorialisation, une action de reconstruction de l’actualité et donc une interprétation.
Choisir un sujet à traiter plutôt qu’un autre, une citation à vérifier prononcée par tel homme politique plutôt que par tel autre, etc. ne permet pas forcément de se rapprocher de
l’objectivité et a fortiori de la vérité2.
Enfin, justement, les rubriques que les médias ont baptisées « fact-checking » ne regroupent, la plupart du temps, à leurs débuts, qu’un travail de vérification de la parole publique,
essentiellement politique […], pas vraiment de vérification des faits, donc. Plutôt un retour, une sorte de contrôle a posteriori, sur une déclaration initialement publiée ou diffusée telle
quelle dans les médias. Qu’elle soit vraie… ou au contraire totalement fausse.
Le reproche qui peut ensuite être fait à ces rubriques spécialisées de fact-checking, c’est ainsi d’afficher, de mettre en avant, une pratique professionnelle de nature à crédibiliser
l’ensemble de leurs contenus, alors que, dans le même temps, ces médias se révèlent souvent (de manière inversement proportionnelle peut-être même) de moins en moins à même de livrer à leurs
lecteurs, auditeurs, téléspectateurs et internautes une information fiable dans la plupart des autres rubriques. Cela, principalement pour des raisons économiques liées à l’incessante crise
structurelle de la presse et à la délicate période de recomposition des modèles économiques médiatiques. […] avec moins de journalistes et moins de spécialistes et rubricards d’un côté et
davantage de canaux de diffusion à alimenter d’un autre côté, ils ne peuvent donc garantir, au final, des contenus mieux vérifiés et plus fiables qu’ils ne le faisaient jusqu’à présent, bien
au contraire.
C’est pourquoi il s’avère essentiel de questionner les raisons qui ont pu conduire à faire émerger cette pratique dans les rédactions, avant même que l’urgence de la lutte contre les fausses
informations ne devienne une priorité internationale.
Nous pouvons ainsi évoquer des aspects marketing. Autrement dit : pour afficher un mode de délivrance d’une information sérieuse, vérifiée, mise à l’épreuve des faits et, de plus,
susceptible de contredire la parole de responsables politiques jusqu’au plus haut niveau. Là, […]les médias en question trouveraient le moyen de se distinguer du tout-venant de l’information
en ligne et de valoriser la plus-value qu’ils entendent apporter au traitement de l’actualité.
Autre raison : alors que l’heure est à la suppression d’effectifs et à la recherche d’un nouveau modèle économique associant web et canaux traditionnels, la période n’a jamais été aussi
propice à une vérification de l’information efficace. En effet, les mêmes outils qui permettent de véhiculer l’information à très (trop) grande vitesse (Internet notamment) constituent une
opportunité pour accéder à des sources multiples (sites, bases de données en ligne, ouverture des données publiques ou open data, réseaux sociaux, participation citoyenne et travail
collaboratif, etc.) qui permettent de recouper les données et de vérifier les informations, de déterminer le contenu, le contexte de production et la technique de fabrication des documents
trouvés sur le web. Ce journalisme, « augmenté » de tous les moyens possibles de vérification et de mise en valeur des données factuelles (data-journalisme) notamment, permet, là encore, de
se distinguer parmi d’innombrables flux d’informations non hiérarchisées, non vérifiées, etc.
Un autre motif encore, moins réjouissant peut-être, explique cette mise en avant du fact-checking à ce moment clé de la vie des médias : la volonté de masquer les carences des rédactions en
termes de vérification de l’information. Celles-ci afficheraient d’autant plus leur fact-checking consacré à la parole publique (vérification de citations d’hommes politiques) que leur
environnement les rend moins aptes à proposer des contenus vérifiés dans le reste de leurs publications. Ce qui est d’autant plus facile à réaliser que les équipes retreintes de jeunes
journalistes qui se consacrent à ce travail sont a priori moins coûteuses à mettre en place que ne le serait la conservation d’effectifs plus âgés et plus expérimentés dédiés à
l’investigation de terrain et/ou au fact-checking et au secrétariat de rédaction pour vérifier tous les contenus publiés.
Ces explications possibles à l’émergence du fact-checking moderne doivent s’étudier, par ailleurs, à la lumière de la transformation des rédactions dans les années 2000, qui ont souvent été
transformées en newsrooms, c’est-à-dire en plateformes ultra-connectées, où les effectifs sont tout autant – parfois davantage – mobilisés par la nécessité de nourrir un fil d’actualité
grâce au bâtonnage de dépêches d’agence, que par le travail d’enquête de terrain. Or, dans ces newsrooms, le circuit de « la copie » par exemple, pour employer un vocabulaire propre à la
presse écrite, s’est très largement modifié. Alors que le nombre de relectures a été le gage de la qualité des publications, la priorité est souvent donnée à la diffusion sur le web (« web
first, print later »), voire, avant même, aux réseaux sociaux. La visée est celle d’une diffusion la plus instantanée possible […] « on dit d’abord, on corrige ensuite si besoin et on
complète, plutôt que de se dédire ou d’accorder un droit de réponse, relativement inexistant en ligne3. »
[…] il faut surtout citer des opérations de plus grande ampleur, nées en 2016 et 2017 et destinées à tenter de juguler la propagation des fake news et false news, grâce à un mode de
fonctionnement à la fois participatif (qui fait appel au grand public) et collaboratif (qui invite les professionnels à travailler de concert).
Ces initiatives, déjà citées brièvement dans cet ouvrage, sont portées par les géants d’Internet et des réseaux sociaux – Google et Facebook en particulier – après qu’ils ont été montrés du
doigt lors de leur contribution involontaire à la propagation de fausses informations, à la fois lors du vote en faveur du Brexit au Royaume-Uni et à la fois lors de l’élection de Donald
Trump à la présidence des États-Unis.
Chaque fois, en effet, les dispositifs médiatiques de fact-checking n’ont pu parvenir à enrayer la crédulité des électeurs vis-à-vis de déclarations tantôt fausses, tantôt totalement
fantaisistes, abondamment relayées à travers ces outils de communication de masse. Les réseaux sociaux – prioritairement Facebook et Twitter – ont tout particulièrement été accusés de créer,
via les algorithmes qu’ils ont mis en place pour satisfaire les préférences de leurs abonnés, de créer des « bulles filtrantes » qui maintiennent les utilisateurs dans un même cercle de
connaissances (système de silos) : chacun est confronté aux mêmes types d’articles et d’informations pour lesquels il a déjà manifesté de l’intérêt auparavant.
Pour ce qui est du réseau social Facebook, source d’information privilégiée par 63 % des Américains4, il a annoncé un travail partenarial avec les principaux médias fact-checkeurs mondiaux
pour signaler, vérifier puis supprimer les fausses informations circulant dans son fil d’actualité et mises en exergue, partagées par les utilisateurs. Cette initiative a d'abord été
déployée aux États-Unis, puis en Allemagne et, en mars 2017, en France, en prévision de l’élection présidentielle, puis partout ailleurs dans le monde.
L’un des aspects inédits de cette expérimentation réside dans le fait de faire coopérer les citoyens – ce que le réseau social appelle « la communauté » – avec des organisations tierces, des
médias fact-checkeurs invités à vérifier, via un outil dédié, des informations signalées par les utilisateurs. Les utilisateurs de Facebook peuvent cliquer dans la partie située en haut à
droite des posts consultés, sélectionner, dans le menu déroulant, la fonction « signaler la publication », puis répondre à la question « que se passe-t-il ? » en cochant la proposition « il
s’agit d’une fausse information ». Une fois remise en cause par deux fact-checkeurs, une information douteuse apparaît ainsi contestée dans le fil d’actualité et la mention « contesté par
des tiers » apparaît au moment où un partage est sollicité.
Un autre aspect inédit de cette expérimentation réside dans le fait que les tierces parties appelées à vérifier, c’est-à-dire les médias fact-checkeurs partenaires, doivent disposer d’une
expertise dans la vérification d’informations, attester de la conformité de leur travail avec le code de principes de l’International Fact-Checking Network, adopté par ce réseau en septembre
2016.
À l’échelle mondiale, une soixantaine de médias fact-checkeurs ont reçu, début 2019, l’accord de l’IFCN, selon lequel ils respectent les cinq règles de son code de principes, dont cinq en
France (AFP, Le Monde, Libération, France 24, 20 Minutes). Ils peuvent ainsi collaborer avec Facebook, qui les rétribue en échange de ce travail de vérification.
Quant à l’opération de fact-checking collaboratif et participatif « CrossCheck », soutenue par le réseau First Draft et par le Google News Lab, elle a été lancée le 28 février 2017 pour
permettre aux journalistes et à tout citoyen d’interpeller, via une seule et même plateforme, l’ensemble des rédactions partenaires pour leur soumettre des informations à vérifier. Dès lors,
ces médias réalisaient une vérification croisée de l’information douteuse et, dès que deux d’entre eux au moins étaient parvenus à une conclusion identique, le fact-check était utilisable
et publiable par tous les autres partenaires et consultable par les citoyens en un seul et même lieu : le site « CrossCheck ».
Les véritables innovations de ce programme ont résidé dans l’accès facilité à des outils performants et innovants de vérification de l’information (textes, images, vidéos, etc.), des
sessions de formation de nombreux journalistes, y compris représentant des médias qui produisaient jusqu’alors peu ou pas de fact-checking, la mise en place et l’animation de plateformes
d’échanges et de partage d’informations performantes (« équipe » sur la plateforme de communication collaborative Slack et, surtout, le site « Check », conçu pour faciliter le workflow,
découper et se répartir les tâches de vérification pour chaque information déclarée suspecte, en gardant la trace des interventions de chacun).
La stratégie d’affichage que nous avons évoquée pourrait ainsi laisser la place à une stratégie éditoriale plus globalement tournée vers la collecte et la diffusion de contenus vérifiés et
fiables, les seuls à-même de générer une plus-value pour les entreprises du secteur des médias. Et s’il est bien entendu trop tôt pour entériner une telle conclusion, l’observation et les
discours des acteurs, eux, le laissent penser.
À Franceinfo, c’est la direction qui a décidé de faire de la stratégie mieux-disante que nous évoquons, en termes de vérification de l’information, une marque de fabrique pour l’ensemble des
contenus. Au sein de cette radio, créée en 1987 sur le modèle de l’information en continu et l’utilisation des dépêches AFP, une nouvelle conception de l’information a été mise en place à
compter du 1er janvier 2015, avec la création de l’« Agence Franceinfo » [qui] apparaît comme un retour aux sources et aux principes fondamentaux du fact-checking. En effet, cette agence,
opérationnelle depuis le 12 janvier 2016, a pour mission d’organiser la circulation et la certification de l’information diffusée par les équipes de Franceinfo (radio, TV, web et réseaux
sociaux).
Autrement dit, elle produit ses propres dépêches (15 000 environ la première année, soit 40 par jour), complémentaires et prioritaires sur celles de l’AFP, à partir des infos communiquées
par ses reporters sur le terrain, à partir des interventions en direct à l’antenne (déclarations des invités notamment) et à partir des productions des médias du même groupe ou concurrents,
le tout étant vérifié par une équipe d’une quinzaine de journalistes. Ces dépêches sont ensuite intégrées à un fil dédié et intercalées au fil des agences de presse utilisées en interne
(Reuters, AFP), tous les jours, de 6 h à minuit.
La chaîne publique d’information en continu, au moment où elle prend conscience de la nécessité de crédibiliser son antenne, en vient à renouer (sans forcément le dire ni même le savoir –
avec des aspects originels du fact-checking, et surtout des aspects du métier manifestement mis de côté et qui, entre-temps, ont généré des erreurs, des ratages dans la transmission
d’informations erronées, etc.
Selon nous, une telle approche, couronnée par un succès d’audience, tend à démontrer que la stratégie qui conduit les médias à renouer avec des pratiques de vérification plus complètes que
le seul fact-checking politique moderne peut être un gage de succès pour les rédactions. Tout comme, la stratégie qui consiste à renouer avec quelques préceptes fondamentaux du journalisme
et de l’indépendance journalistique s’est avérée payante également, pour un site comme Mediapart. Dans ces conditions, il nous semble pertinent d’étudier dans quelle mesure ancien et nouveau
fact-checking peuvent redevenir compatibles dans la plupart des autres rédactions.
L’affirmation d’un savoir-faire propre aux professionnels de l’information (comme de la recherche) passerait donc par une forme de labellisation. Celle-ci, d’ailleurs, existe dans le milieu
universitaire par exemple, à travers l’évaluation par les pairs par exemple. Elle existe aussi, un peu, de manière informelle, dans le milieu journalistiques qui sait reconnaître les
professionnels qui respectent les règles et les codes du métier. Mais elle n’est aucunement visible par le grand public, qui ne peut donc être sensibilisé aux efforts déployés et aux coûts
induits par un lourd travail, parfois invisible au premier coup d’œil, de vérification.
Cette piste intéressante de la création d’un label est souvent contrecarrée par les principaux médias eux-mêmes, qui se disent confiants dans la solidité de leur propre marque, grâce à leur
histoire notamment. De plus, il resterait à définir une instance en mesure de garantir l’application de tels principes. Et c’est en général là que le bât blesse, puisque toute organisation
de ce type pourrait rapidement passer pour un organisme de restriction de la liberté de la presse.
Les sites labellisés pourraient donc être éligibles aux aides à la presse (dont la refonte est d’ailleurs souhaitée par de nombreux acteurs, comme le syndicat SNJ), en fonction de leurs
capacités à mettre en œuvre, entre autres, des procédures de vérification de leurs publications et de correction de leurs informations erronées en ligne. Ce qui n’empêcherait pas d’autres
publications d’exister en dehors de ces mécanismes de soutien financier et des opérations de promotion de leur rôle démocratique.
Quoi qu’il en soit, pour espérer une quelconque efficacité de ce label, il faut a priori qu’en parallèle de sa création, deux autres critères soient réunis. L’abandon du modèle de gratuité
de l’information en ligne, qui, en grande partie conduit aux dérapages et excès de la course aux clics, d’une part. Et, d’autre part, la sensibilisation du grand public à la compréhension
des métiers, des enjeux et des utilités démocratiques de l’information indépendante, fiable et vérifiée.
En effet, le fact-checking, après avoir été appelé à la rescousse de rédactions « fâchées » avec la fiabilité de l’information, semble être mobilisé pour venir au secours des citoyens et de
la société dans leur ensemble, noyés sous une masse de données parmi lesquelles il leur est devenu impossible de se repérer. En sentinelles de la vérification et de ses outils, mais aussi en
experts de la construction et de la propagation des intox et fausses nouvelles, les fact-checkeurs sont, depuis 2017, ceux vers lesquels les rédactions se retournent pour non seulement
regagner du crédit (et de l’audience), mais également pour former les citoyens à reconnaître et identifier les médias qui les emploient5.
Car la stratégie qui a consisté à s’appuyer sur la préexistance de marques médias fortes a manifestement échoué à convaincre le plus grand nombre de leur crédibilité. Dans un univers où tout
a changé, aucun média ne peut plus espérer vivre sur ses acquis ; tout comme les programmes d’éducation ne peuvent plus espérer faire grandir des citoyens conscients du monde dans lequel
ils vivent sans modifier grandement les apprentissages des outils à leur disposition, leur apprendre à contourner par exemple, le biais de confirmation.
C’est ainsi que le fact-checking et la vérification de l’information, après avoir révélé les manquements liés aux pratiques professionnelles des rédactions dans leur ensemble, se retrouvent
en première ligne dans une mission plus vaste encore, liée à la vie démocratique plus globalement, confirmant le lien puissant entre journalisme, information et citoyenneté.
Si Anne Hidalgo stagne assez bas dans les sondages, elle demeure une personnalité politique en vue dans le paysage médiatique. Dernier exemple en date : son « tour de France », entamé fin
novembre.
L’INA dévoile, ce mardi 5 avril, une étude inédite qui raconte comment la médiatisation des candidats à l’élection présidentielle 2022 a été profondément bousculée par l'invasion de
l'Ukraine par la Russie, le jeudi 24 février.
Elle veut « reprendre le contrôle du récit » et « réhabiliter [son] image journalistique » : un mois avant son procès en appel, la journaliste Céline Martelet se confie à La Revue des
médias.