Comment mesure-t-on l’audience de la radio ? | la revue des médias

Comment mesure-t-on l’audience de la radio ? | la revue des médias


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Ambition ou fantasme, la connaissance de l’auditeur et des traces laissées chez lui par ses pratiques d’écoute est une préoccupation très ancienne.


Les médias audiovisuels fonctionnent sur un paradoxe : ils ont comme ambition majeure d’atteindre un public donné (qu’il soit général ou ciblé, de tous âges ou défini par sa religion, ses


origines ou ses goûts culturels), et bien souvent de démultiplier le nombre de personnes qu’ils parviennent à toucher. Et pourtant, ils n’ont que des moyens indirects de savoir qui les


écoute, pendant combien de temps, avec quelles réactions, pour quelles raisons… La question se complique encore en raison de leur diffusion en flux : c’est en permanence que se repose la


question, à chaque émission et même à chaque séquence, et ils ne sont jamais sûrs que celui qui les a écoutés hier les écoutera demain. À tout instant, leur audience varie en taille, en


caractéristiques socio-professionnelles, en qualité d’attention, en goûts culturels, en connaissances, etc. Et, à chaque instant, ils doivent ré-intéresser des individus dont ils ne peuvent


percevoir en temps réel les réactions.


C’est pourtant ce public qui les choisit et qui justifie leur existence, c’est ce public que la radio et la télévision vendent sous la forme d’un « coût au mille », d’un « temps de cerveau


disponible », d’une ménagère de moins de 50 ans, c’est ce public dont ils sont redevables devant la puissance publique et le contribuable en contrepartie de la redevance ou des subventions.


Il leur a donc fallu trouver des manières de rendre compte de cette audience éparpillée et inconnue(1). Cette préoccupation, présente dès les premières émissions de TSF au lendemain de la


Grande Guerre, a conduit les diffuseurs à explorer de nombreuses méthodes aptes à donner la parole à leurs audiences. On aura remarqué que l’on dit ici « donner la parole » et non dénombrer


car, comme on va le voir, la quantification n’a pas été la solution d’abord privilégiée – en France du moins – pour définir et cerner le public de la radio.


La plus grosse de ces associations, à Lille, compte ainsi au milieu des années 1930 cinquante mille adhérents qui paient leur cotisation principalement pour avoir leur mot à dire sur la vie


de leur station préférée. Dès lors, le public étant présent, impliqué et disponible, il semble inutile aux hommes de radio de mettre en place de coûteux dispositifs pour le faire parler.


La Deuxième Guerre mondiale constitue une rupture puisque aux lendemains de la Libération, dans le contexte du monopole de l’audiovisuel, c’est la logique des « études de marché » qui


s’impose. Intéressant paradoxe de la situation française : la mainmise de l’État sur les ondes françaises se conjugue avec le contrôle en sous-main des stations « étrangères » privées (Radio


Luxembourg, Radio Monte Carlo, et bientôt Europe n°1 et Sud Radio). Et c’est précisément dans ce contexte de « vraie-fausse » concurrence et de vrai/faux monopole que se met en place le


décompte des auditeurs.


En 1949, poussée par Radio Luxembourg et par les exemples étrangers, l’office public en charge de l’audiovisuel français (alors la RTF) participe aux premiers sondages sur les auditeurs


proposés par l’IFOP avec la méthode dite du « livre de bord ». Pour cette mesure, l'interviewé consigne lui-même ses périodes d'écoute dans un carnet qui est ramassé périodiquement ; il note


sa journée radiophonique quart d’heure par quart d’heure (pendant une durée totale d’au moins deux jours, avec des variations suivant les périodes). Avec cette méthode, les enquêtes sont


longues à dépouiller et les techniques de tri frustes. L’objectif est de fournir une information périodique sur le comportement des auditeurs, les grandes heures d’écoute, les émissions


préférées, les variations temporelles… À cette époque comptent encore assez peu les critères sociodémographiques ; les gens de radio s’intéressent avant tout aux goûts et aux pratiques liés


à la radio, sans se soucier de la stratification de l’audience.


La concurrence entre les stations n’est pas non plus primordiale dans la présentation des résultats. Il est vrai que les premiers résultats des enquêtes sont une très mauvaise nouvelle pour


le secteur public : les quinze émissions les plus écoutées passent toutes sur les ondes de Radio Luxembourg ; certes la liste des émissions « préférées » est-elle mieux partagée, mais la


radio publique commence dès lors à se poser des questions sur ces préférences qui ne se traduisent pas dans des comportements. Et le ministre en charge de l’Information, Alain Peyrefitte,


aura beau jeu de stigmatiser « ce service public [qui fonctionne] comme si le public n'existait pas »(3).


La « 126 000 » est devenue la mesure hégémonique en matière de résultats d’audience pour la radio ; cette situation est en fait une constante de l’histoire des mesures d’audience à toutes


les périodes et pour tous les médias : une forme de mesure s’impose comme dominante pour la quantification du public. Dans presque tous les pays(4) et à presque toutes les époques cette


mesure est en situation de monopole : le marché s’arrange mieux d’une seule mesure qui fait office de mètre étalon et permet les négociations, ce qui n’empêche pas les controverses


récurrentes sur les méthodes de calcul ou le périmètre de la mesure. C’est la mesure hégémonique qui sert de référence aux acteurs du marché publicitaire, aux professionnels en charge des


programmes, à la puissance publique régulant le secteur, etc.


Mais cette hégémonie cache en fait une forêt de mesures qui viennent l’éclairer et la compléter. Une très large pluralité de méthodes a toujours coexisté avec la mesure dominante, trop


dominante sans doute pour n’être pas restrictive. Ces méthodes sont de tous types : de l’analyse du volume de courrier reçu par une émission (ou de nombre de clic sur une page web) aux


statistiques sur le parc radiophonique, en passant par les enquêtes ciblées sur une émission donnée ou les focus groupes pour mieux connaître un public particulier, voire par la répartition


de la redevance radio lorsqu’elle était distincte, etc. Ces enquêtes peuvent être purement internes, réservé à leurs commanditaires, externes et rendues publiques, au moins pour partie,


comme les résultats de la 126 000 ; elles peuvent porter sur tous les opérateurs ou se limiter à certains ; elles sont parfois récurrentes et parfois ponctuelles. Leur diversité satisfait à


la demande d’informations sur le public, et à des besoins spécifiques : comprendre pourquoi le public d’une émission diminue, mieux vendre une tranche horaire, surveiller les moments de


décrochage d’un programme, repérer les interventions qui « font tourner le bouton » comme le disent les professionnels, etc.


Ces approches multiples du public reposent surtout sur une définition différente de l’audience radio : pour la 126 000 (comme pour toutes les mesures avec cette méthode), l’auditeur radio se


définit par ce dont il se souvient de sa « fréquentation » du média ; c’est donc une définition par la mémoire alors que la télévision se quantifie, elle, dans sa mesure hégémonique, par la


prise en compte du comportement à un moment donné (celui pendant lequel le sondé a appuyé sur le bouton de son audimètre, pour signaler sa présence dans la pièce où une télévision


fonctionne). La mesure mémorielle n’est pas plus biaisée ou plus inexacte que celle par le comportement, simplement ses biais (c’est-à-dire ses manières de définir ce qu’il s’agit de


mesurer) sont différents. Dans le cas de la radio, on mesure ce qui a laissé des traces, et cela n’est sans doute pas sans intérêt, pour les publicitaires, comme pour les professionnels de


l’information. Dans le cas de la télévision, on mesure une coprésence (le téléspectateur et le poste allumé) sans se poser de questions sur ce qu’il a entendu et encore moins retenu, la


télévision devenant dès lors un média d’accompagnement, présent en bruit de fond ou comme activité prenante.


Cette différence correspond à une manière de caractériser les usages des deux médias. La radio est un média d’habitudes : les auditeurs sont, encore aujourd’hui, d’une grande fidélité à


leurs stations (ils en écoutent de manière privilégiée une petite poignée), quand les téléspectateurs, eux, se déterminent en fonction du programme. Par ailleurs, les auditeurs écoutent, et


ce depuis fort longtemps, la radio sur une grande diversité d’appareils : des postes fixes, des autoradios, des réveils, mais aussi des ordinateurs, des téléphones, des hauts parleurs dans


des lieux publics, etc., tandis que la démultiplication des écrans de télévision est plus récente. Ainsi l’audience de la radio apparaît-elle comme mobile dans ses supports et stables dans


ses stations. Ce que la méthode de reconstitution par l’écoute de la veille permet assez bien de retracer, les habitudes venant conforter la mémoire des variations.


Pourtant, cette adéquation qui a fonctionné pendant un demi-siècle n’a jamais empêché la recherche de nouvelles méthodes de mesure. Télévision et radio poursuivent depuis plus de trente ans


une même ambition, il vaudrait mieux dire un même fantasme : mesurer l’auditeur, ou le téléspectateur, en se débarrassant de son intervention, trouver « la » mesure passive qui enfin


permettra de tout savoir du public. Certes cela paraît plus simple pour la radio sur internet.


Télévision et radio poursuivent le même fantasme : trouver « la » mesure qui permettra de tout savoir du public


Le dernier avatar de cette quête pour la radio est la technologie du watermarking : une « signature » (appelée aussi tatouage), inaudible par un humain mais identifiable par des dispositifs


de captation. Un panel doit être constitué avec des personnes qui acceptent de porter un dispositif (type pager) permettant de capter tous les émissions avec lesquelles elles sont en


contact. Ainsi espère-t-on pouvoir saisir l’ensemble des programmes avec lesquels le panéliste a été en contact. Une telle mesure aurait la « vertu » de ne pas dépendre des compétences des


panelistes : à l’heure actuelle, avec le mode déclaratif de la 126 000, les enfants ne sont pas interrogés avant l’âge de treize ans (le panel télévision prend, lui, en compte les enfants à


partir de quatre ans). Et cette large couverture serait précieuse alors que les modes d’écoute se sont démultipliés et délinéarisés, avec les podcasts, les émissions en replay, l’écoute sur


site, etc. Elle prendrait en compte la modification des pratiques et la diffusion de la radio « de rattrapage » (« catch-up radio » dans l’enquête de mars 2013 que Médiamétrie lui consacre,


soit avec les podcast et l’écoute en streaming différé, près de 30 millions de téléchargement). Même si ce sont les grandes radios privées généralistes (Europe1 et RTL) qui restent en tête


du nombre de téléchargement, avec leurs émissions de divertissement (avec, en tête, Nicolas Canteloup ou Laurent Gerra), on notera les quatre millions mensuels (toujours en 2013) de


téléchargements de France Culture, ou encore, pour France Inter, la première place occupée par la Marche de l’histoire de Jean Lebrun, qui témoignent qu’une autre pratique d’écoute de la


radio trouve sa place.


Pourtant, ce chantier annoncé depuis le début des années 2010 reste encore expérimental tant les tentatives pour rendre le cobaye plus passif s’avèrent complexes. Il faut bien qu’à un moment


donné, celui-ci intervienne : si ce n’est pas pour appuyer sur le bouton qui signale son entrée dans la pièce, ce sera au moment où il choisit de mettre ou pas le pager. À l’heure actuelle,


les acteurs du monde de la radio sont à un moment intermédiaire et il sera intéressant de voir comment l’équilibre des forces autour de la mesure va se réorganiser pour intégrer les


nouveaux modes d’audition de la radio. Chacun s’inquiète de toucher à un système qui a pour lui la stabilité de la durée et qui n’est pas totalement étranger à la bonne santé de la radio en


France, à la fois en termes de durée d’écoute et de marché publicitaire.


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